Adamaoua : Que peut rapporter la visite de Jean Nkuete au RDPC ?
Du 27 au 28 avril 2025, Jean Nkuete, secrétaire général du Comité central (CC) du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), effectuera une visite stratégique dans l’Adamaoua, région où le parti au pouvoir est buté à l’offensive de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP). Officiellement, le vice-Premier ministre viendra installer Théophile Baoro, membre du bureau politique et vice-président de l’Assemblée nationale, comme chef de la délégation permanente du RDPC pour la région. Une fonction que ce dernier occupait par intérim depuis 2023, suite au décès d’Alhadji Mohamadou Abbo Ousmanou, figure incontournable du parti.
Si l’Adamaoua est le bastion de Bello Bouba Maïgari (UNDP), le RDPC y poursuit une bataille de structuration. « Derrière les apparences d’une simple cérémonie protocolaire, la visite de Jean Nkuete vise à résoudre des dissensions internes exacerbées par des egos surdimensionnés, des frustrations sociologiques et des clivages ethno-religieux », note un observateur averti des dynamiques du parti. Autant de facteurs qui ont plongé le parti dans une morosité persistante depuis la disparition d’Abbo Ousmanou, dont les investissements financiers et le charisme maintenaient l’unité des troupes.
Légitimité et autorité contestée
L’installation de Théophile Baoro ne se fera pas sans défis. Dans plusieurs communes (Mbé, Bankim, Nganha, Ngaoundéré), des maires RDPC ont récemment été désavoués par leurs propres conseils municipaux, signe d’une crise de légitimité locale. Par ailleurs, une frange du parti juge qu’Ali Bachir, ancien député, aurait été un successeur plus légitime à la tête de la délégation régionale. Ses partisans mettent en avant son activisme : il aurait récemment convaincu des militants UNDP de rallier le RDPC, gonflant les rangs du « parti du flambeau ».
À l’inverse, Baoro est critiqué pour son « incapacité à financer les inscriptions sur les listes électorales et à organiser des campagnes de sensibilisation efficaces », relève un observateur local du parti. Un handicap de taille à moins d’un an du scrutin présidentiel, où le RDPC devra mobiliser son électorat dans un contexte de concurrence larvée avec ses propres alliés. Car si, lors des présidentielles, l’UNDP – qui dispose d’une alliance formelle avec le RDPC – s’est toujours positionnée en soutien à Paul Biya, le parti au pouvoir cherche désormais à assoir son propre ancrage dans la population.
L’intervention du SG du CC/RDPC devra donc apaiser les tensions et doter Théophile Baoro des moyens politiques nécessaires pour imposer son leadership. Objectif affiché : briser l’hégémonie de l’UNDP dans la région, et surtout dans le département de la Vina, où cette formation politique contrôle quatre communes sur huit.
À moins de 10 mois des élections municipales de 2026, le pari du RDPC, pour le moins audacieux, passe par la résorption des fractures internes.
Thierry Christophe Yamb