Yagoua-Bongor. 500 Frs pour traverser le pont
Inauguré le 28 avril dernier , le pont sur le fleuve Logone, baptisé «Pont de l’amitié Tchad-Cameroun», est ouvert à la circulation, avec de contraintes pour les usagers.
Ce pont qui devait incarner le symbole d’union, de fluidité des échanges et d’intégration sous-régionale, semble ne pas répondre à ses objectifs selon les usagers. À peine ouvert, cet ouvrage majestueux est devenu le théâtre d’un racket quotidien, jetant une ombre sur ses promesses de fraternité.
Les policiers du Tchad et du Cameroun ont installés des deux côtés du pont une taxe obligatoire de 500FCFA pour les personnes, motocyclettes et 1000FCFA pour les véhicules et 2000FCFA pour les camions. D’un côté comme de l’autre de la frontière, les usagers se heurtent à des barrages informels où des hommes en uniforme exigent 500f ou plus pour permettre le passage, sans ticket, sans reçu. Une traversée que beaucoup qualifie de « parcours d’humiliation » sous la menace des forces de maintien de l’ordre du Tchad et du Cameroun. « Je traverse pour aller vendre mes petites marchandises, mais je dois obligatoirement payer 500FCFA aux policiers tchadiens, 500FCFA ou plus de l’autre côté du Cameroun. Il ne me reste plus rien à la fin de la journée», raconte Thérèse, une vendeuse de vivres habitant à Bongor au Tchad rencontré lors de la traversée du pont à Zébé. Selon cette quarantenaire, c’est le quotidien de toute personne désirant traverser le pont pour Bongor ou Yagoua. Parfois sous la menace et les injonctions des policiers et gendarmes. « Ce pont devait nous rapprocher, il nous écrase », souffle un transporteur camerounais. « On nous traite comme des criminels. Même les mots qu’ils utilisent sont violents » insiste la dame. Les conducteurs de mototaxi ne sont pas du reste. Ils subissent le même sort. À chaque traversée du pont les conducteurs doivent débourser la somme de 300FCFA auprès des policiers camerounais et Tchadien. Le passager doit aussi obligatoirement verser 500FCFA à la sortie comme à l’entrée du pont de l’amitié Tchad-Cameroun. Ce racket systématique sur un pont de Zébé se fait sous le regard complice des autorités administratives des deux pays.
Situation qui met en danger la vie des personnes et des biens qui préfèrent la traversée par pirogue pour échapper à l’arnaque et l’humiliation des forces de maintien de l’ordre du Tchad et du Cameroun censées faciliter le déplacement des personnes et des biens entre les deux pays.
Pourtant, l’ambiance de la traversée du pont n’a pas encore atteint son pic. Selon les forces de maintien de l’ordre environ 800 personnes traversent chaque jour le pont pour Yagoua au Cameroun ou Bongor au Tchad. L’affluence de la traversée du pont sur le fleuve Logone à Zébé reste encore timide, mais l’extorsion des personnes a pris une autre tournure. « Je pense que le préfet de Yagoua, la Conac et les autres institutions qui luttent contre la corruption et l’arnaque des populations doivent venir s’intéresser à ce qui se passe ici, à Zébé sur le pont » confie Jean Paul Mersia, un défenseur des droits de l’Homme.
En attendant, le pont de l’amitié continue de porter ce nom, bien qu’il ressemble chaque jour un peu plus à un champ de friction. Et les citoyens, eux, continuent de payer, parfois jusqu’à la dignité, le prix d’une intégration encore largement théorique.
Dieudonné Batassou