Hamadou Bachirou, porte-parole du collectif des filles et fils de la région de l’Extrême-Nord

« L’Extrême-Nord ne veut plus seulement voter ; elle veut désormais être entendue, respectée et véritablement intégrée »
Pouvez-vous nous présenter votre organisation et ses objectifs ?
Le Collectif des Filles et Fils de la Région de l’Extrême-Nord est une plateforme citoyenne qui regroupe plusieurs associations et organisations issues de la société civile, toutes engagées dans la promotion du développement de notre région.
Notre objectif principal est de mutualiser nos énergies afin de contribuer à l’éveil des consciences, à la valorisation de notre potentiel humain et à la défense des intérêts de l’Extrême-Nord sur les plans social, économique, éducatif et institutionnel.
À ce jour, une vingtaine d’associations se sont réunies autour de cette vision commune et ont porté leur choix sur ma modeste personne pour assurer la fonction de porte-parole du collectif.
Nous œuvrons à créer une dynamique nouvelle, capable de porter les aspirations profondes de notre région dans un esprit de responsabilité, de solidarité et d’engagement citoyen.
À quelques mois de l’élection présidentielle, comment se porte globalement la région de l’Extrême-Nord ?
Six mois avant l’élection présidentielle, la région de l’Extrême-Nord se trouve à la croisée des chemins. Sur le plan politique, elle reste fortement mobilisée, mais également traversée par une profonde lassitude. Après plusieurs décennies de fidélité électorale au régime en place, les attentes des populations sont demeurées largement insatisfaites.
Sur le terrain, les réalités sont dures : une pauvreté endémique, un taux de chômage élevé chez les jeunes, une éducation fragilisée par le manque d’infrastructures et de personnel, une insécurité persistante, et un accès limité aux services de base comme l’eau potable, la santé ou l’état civil.
Face à ce constat, un vent de prise de conscience souffle aujourd’hui sur la jeunesse. De plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer un changement de cap, un nouveau contrat politique qui place enfin le développement de la région au cœur des priorités nationales.
L’Extrême-Nord ne veut plus seulement voter ; elle veut désormais être entendue, respectée et véritablement intégrée dans les dynamiques de progrès.
Vous avez déposé une déclaration de manifestation pour une mobilisation de 100 mille jeunes à Maroua le 12 mai, est-ce une réponse à la marche du 10 mai ? Quels sont les objectifs de cette mobilisation ?
La manifestation citoyenne que nous avons déclarée pour le 12 mai 2025 à Maroua n’est pas une réaction d’opposition à la marche du 10 mai, bien que nous pensons que cette marche du 10 est inopportune, mais une initiative indépendante et républicaine, portée par le Collectif des Filles et Fils de l’Extrême-Nord.
Notre mobilisation vise à donner la parole à la jeunesse et aux populations de notre région, non pas pour soutenir un individu ou un parti, mais pour exprimer des préoccupations profondes et légitimes liées au développement de l’Extrême-Nord.
Nous revendiquons entre autres :
-Le financement de 10.000 jeunes pour des microprojets générateurs de revenus ;
-Le recrutement de 10 000 jeunes dans la fonction publique ;
-Le projet de 100.000 tables-bancs pour améliorer les conditions d’apprentissage dans les écoles ;
– Une campagne d’établissement de 100.000 actes de naissance, pour sortira des milliers d’enfants de l’ombre administrative ;
– Et enfin, l’accélération du plan de reconstruction des routes et infrastructures de notre région.
Notre démarche est pacifique, citoyenne et constructive. Elle s’inscrit dans le respect des lois de la République. Ce que nous voulons, c’est attirer l’attention du Chef de l’État et du gouvernement sur l’urgence d’agir pour une région qui donne beaucoup mais reçoit si peu. Nous pensons que si la mobilisation de 10 mai est autorisée, celle du 12 mai doit également l’être.
Pensez-vous que le président Paul BIYA soit encore la solution aux problèmes de la région de l’Extrême-Nord en termes de développement ?
Cette question mérite une analyse objective. Déjà, Il est indéniable que sous la présidence de Paul Biya, certaines initiatives ont été entreprises dans notre région.
Cependant, malgré ces efforts, l’Extrême-Nord continue de faire face à des défis majeurs : pauvreté persistante, chômage élevé, infrastructures éducatives et sanitaires insuffisantes, et difficultés d’accès aux services de base. Ces problèmes structurels indiquent que les politiques mises en œuvre jusqu’à présent n’ont pas permis de répondre pleinement aux besoins de la population.
Dans ce contexte, il devient donc légitime de se demander si ça ne vaut pas la peine de scruter d’autres approches portées par des acteurs politiques.
L’Extrême-Nord a besoin d’une vision renouvelée, centrée sur l’inclusion, la justice sociale et le développement durable.
En tant que porte-parole du Collectif des Filles et Fils de l’Extrême-Nord, je plaide pour une gouvernance qui place les préoccupations de notre région au cœur des priorités nationales, afin de construire un avenir meilleur pour tous.
Propos recueillis par
Adolarc Lamissia